A propos de certaines obligations de l'entraîneur

Dans cette publication du GETSO, je traiterai certaines obligations contractuelles récurrentes à laquelles sont soumises tout entraîneur de chevaux de courses.

Je parlerai ce mois-ci de trois obligations essentielles au contrat qu’a tout entraîneur vis à vis du propriétaire. Ces trois obligations sont sources continuelles de litige. Il est donc important de bien cerner les contours de ces obligations contractuelles.

Ces trois obligations de l’entraîneur sont les suivantes:
  • Obligation par l’entraîneur de respecter un préavis raisonnable avant toute rupture d’un contrat de location
  • Obligation d’entraînement et de soins
  • Devoir d’information de l’entraîneur envers le propriétaire
1) Obligation de respecter un préavis raisonnable avant toute rupture d’un contrat de location unilatéralement par l’entraîneur:
Il faut partir du principe édicté par l’article 1134 du Code Civil qui établit que:
“Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi.”
Un contrat de location de carrière de courses ne peut être révoqué que du consentement mutuel de l’entraîneur et du propriétaire conjointement en vertu de l’article 1134 précité.
Au préalable, doit-on définit un contrat de location de carrière de courses comme un contrat à durée déterminée ou indéterminée? La Cour d’Appel de Rennes en son arrêt du 17 juin 2004 a indiqué “qu’il s’agit donc bien d’un contrat à durée indéterminée, la carrière d’un cheval de courses pouvant prendre fin à tout moment et bien avant son terme normal, par la survenance d’un évènement aléatoire et incertain : accident, mort du cheval, vente, entrée au haras...”
Posé ce principe, est-ce que la Loi autorise un entraîneur à rompre unilatéralement un contrat de location de carrière de courses à durée indéterminée?
Au galop, la solution est très simple puisqu’elle est régulée par le Code des Courses au Galop en son article 12.XIII:
“pour les contrats à durée indéterminée (...) le contrat peut être résilié à tout moment, sot avec l’accord de tous les contractants, soit par l’un des contractants avec un préavis de 30 jours, sauf clause particulière mentionnant dans le contrat les conditions de la résiliation. La déclaration de résiliation doit alors être portée à la connaissance des autres membres du contrat et des Commissaires de France-Galop par lettre recommandée avec demande d’avis de réception”
Au galop, l’entraîneur est donc tenu de respecter le délai de préavis de 30 jours avant de rompre unilatéralement le contrat de location.
Et au trot? Le Code des Courses au Trot en son article 17 ne prévoit rien quant à la résiliation du contrat de location.
Face à ce vide règlementaire du Code des Courses au Trot (on pourrait souhaiter une régulation similaire à celle du Galop), est-ce que l’entraîneur peut agir comme bon lui semble et rendre un cheval du jour au lendemain quand il n’en a plus envie et sans aucun motif?
La jurisprudence, interprétant l’article 1134 du Code Civil, a eu l’occasion d’indiquer que:
“Considérant qu’un contrat à durée indéterminée peut être résilié à tout moment par l’une des parties, sauf à celle-ci à respecter un délai de préavis raisonnable et sans que cette rupture ait besoin d’être motivée” (CA Rennes 17 juin 2004, RG nº 03/03034)
“La faculté de résiliation unilatérale ne constitue pas une prérogative discrétionnaire ; l’auteur de la rupture qui n’avertit pas son cocontractant quelques temps à l’avance, afin de lui permettre de retrouver un nouveau partenaire, rompt abusivement” (Cass.Com. 8 avril 1986 : Bull. Civ. IV nº 58)
“Qu'en statuant ainsi, alors que si l'association avait le droit de modifier ou rompre unilatéralement les relations contractuelles, c'était à la condition qu'elle respecte un délai de préavis raisonnable”(Cass.Civ.1ère, 16 mai 2006, N° de pourvoi: 03-10328)
La conclusion est donc qu’un entraîneur au trot ne peut rompre unilatéralement un contrat de location qu’à la condition de respecter un délai de préavis raisonnable sauf à engager sa responsabilité contractuelle.
Par contre, l’entraîneur n’a pas à justifier la rupture d’un motif légitime. Cependant, il y a une exception : il peut y avoir abus du droit de rompre.
En effet, “si la partie qui met fin au contrat de durée indéterminée dans le respect des modalités prévues n’a pas à justifier d’un quelconque motif, le juge peut néanmoins, à partir de l’examen de circonstances établies, retenir la faute faisant dégénerer en abus, l’exercice du droit de rompre”(Cass.Civ.1ère, 21 février 2006: Bull.Civ, I, nº 82)
C’est donc à chaque cas d’espèce soumis à l’appréciation des Tribunaux que ceux-ci pourront déterminer –même s’il y a eu respect du délai de préavis- si la rupture est abusive de par l’examen des circonstances établies. Ce sera, en tout cas, au propriétaire de rapporter la preuve que l’examen des circonstances font que la rupture peut être considérée comme abusive.
Par contre, il est vrai que la solution sera beaucoup plus simple dans le cas d’un entraîneur qui rendrait un cheval –sous contrat de location- du jour au lendemain, puisque dans ce cas il y aurait non respect du délai de préavis raisonnable et, donc engagement de la responsabilité contractuelle de la part de l’entraîneur.
Une dernière précision doit cependant être apporté c’est celle des contrats de location à durée courte (par exemple fin du contrat au 31 décembre de l’année). Ceux-ci pourraient être le cas échéant qualifiés de contrat à durée déterminée. Si on le considère comme un contrat à durée déterminée –et toujours sous l’empire de l’article 1134 du Code Civil-, un contrat à durée déterminée doit être exécuté jusqu’à son terme (Cass.Com. 12 novembre 1996). C’est le principe de base. Cependant, la gravité du comportement d’une partie à un contrat peut justifier que l’autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls (Cass.Com 10 février 2009) En pratique, et dans le contrat d’un contrat de location à durée déterminée, on imagine mal comment le propriétaire pourrait être fautif puisque n’étant pas obligé de payer une pension, il ne peut lui être reproché de ne pas payer. Les mauvaises relations humaines entre propriétaire et entraîneur et/ou le défaut de qualité du cheval ne sauraient justifier une rupture unilatérale d’un contrat à durée déterminée qui doit arriver à son terme car ces motifs ne sont pas d’ordre contractuels. Rappelons que tout contrat doit être exécuté de bonne foi.
2) Obligation d’entraînement et de soins et devoir d’information
Tout entraîneur –que ce soit un contrat de location ou une pension- a une triple obligation, celle de soins, celle d’informer le propriétaire et celle d’entraîner.
L’entraîneur a une obligation de soins et un devoir d’information s’y afférant. La jurisprudence a eu l’occasion a maintes reprises de rappeler ce principe. Par exemple:
Un cheval de course est à l'entraînement chez un professionnel. Il se fait une tendinite qui apparaît au bout de la troisième course. L'entraîneur a rempli son obligation de moyens en faisant venir le vétérinaire et en prévenant le propriétaire. La responsabilité de l'entraîneur ne peut donc pas être retenue. (CA Angers 8 avril 2008)
Jument confiée aux fins de débourrage puis d'entraînement. La jument décède suite à une infection pulmonaire. Faute de l'entraîneur pour ne pas avoir fait appel à un vétérinaire dès les premiers symptômes de la maladie. (CA Rouen 24 mars 1999)
Jument à l'entraînement retrouvée sérieusement blessée par son propriétaire. Il est établit que la pouliche n'a pas été soignée et qu'elle se trouve dans un état assez grave. Le propriétaire n'a pas été informé par l'entraîneur de l'état de sa jument. L'entraîneur; malgré la bonne réputation dont il jouit, est déclaré responsable et condamné en réparation auprès du propriétaire. (TGI Argentan 23 octobre 2008)

L’entraîneur a aussi et surtout comme obligation essentielle au contrat d’entraînement (que cela soit location ou pension) celle d’entraîner le cheval. S’il ne l’entraîne pas, il engagera sa responsabilité contractuelle. Il faut tout de même tenir compte qu’il s’agit d’une obligation de moyens et que ce sera au propriétaire de rapporter la preuve qu’il y a défaut d’entraînement. C’est ainsi qu’a été jugé que l'obligation d'un entraîneur de qualifier 2 trotteurs confiés est une obligation de moyens. Il appartient donc au propriétaire de rapporter la preuve du manquement (CA Angers 3 mars 1997)
Un cas de rupture du contrat par le propriétaire a été celui d’un cheval non préparé et non entraîné. L’entraîneur dans le cas d’espèce demandait une indemnisation pour rupture abusive du propriétaire. La demande d'indemnisation de l'entraîneur a été rejetée car il avait été prouvé par le propriétaire que le cheval avait été non préparé et non entraîné au vu des résultats antérieurs et postérieurs à la période litigieuse (Cass.Civ.1ère, 5 novembre 2008, pourvoi nº 07-20.113)
Bien évidemment, dans chaque cas pratique qui pourrait survenir, les tribunaux auront à statuer au vue des élément de chaque cas d’espèce.

Me Juan Carlos Heder
Abogado au barreau de Valencia & au barreau du Gers
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Tel: 09 62 62 34 08
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